mercredi 6 janvier 2010

Ou la dose de savon d’Alep pour environ une vie.


Damas, c’est la mosquée des ommeyades, c’est les souks, c’est les taxis silencieux, mais c’est aussi les hammams.
Et là vous allez me remercier. Pour vous, Lau a testé le hammam de quartier syrien. Et quand je dis « de quartier » c’est parce qu’il est tellement introuvable que c’est une chance que je l’ai trouvé, mais aussi parce qu’outre le fait qu’il soit destiné aux happy few, il n’y avait pas un européen dans un rayon de 10km.
Alors le hamman syrien, comment ça se passe ?
Minute papillon, déjà les horaires. Ce hammam était ouvert pour les femmes seulement les mardis et mercredis, de 12h à 17h. Pour les hommes, il est ouvert tous les autres jours jusqu’à minuit (et le mardi et mercredi de 17h à minuit donc).
Les pris sont très raisonnables (voir dérisoires d’un point de vue européen): 300 livres syriennes, soit 6 dollars pour le hammam qui comprend gommage au gant de crin (et au savon d’Alep) et massage (également au savon d’Alep… quand je vous disais « pour environ une vie », c’était pas de la blague…)
Je m’explique. J’entre donc dans le hammam, telle une petite chose européenne qui baragouine trois mots d’arabe mais qui a la foi. Je laisse mon argent, mon passeport, bref, mes choses de valeur dans un petit tiroir, on me met la clef en bracelet. Jusque là tout va bien. J’ai un peu peur mais je gère. Enfin c’est ce que je croyais. Direct je me mets en maillot, à la bienn, parce que de toutes manières, autour de moi, toutes les autres sont soit top less soit bien bien dévêtues. Ici, je le comprends rapidement, c’est plutôt du genre « pas de chichis ». Mes camarades de hammam ont tous les profils : jeunes bien foutues, vieilles avec poitrine qui arrive allègrement au niveau des cuisses et jeunes enfants aussi.
On me propose tout de suite une épilation au sucre. Et quand je dis « on » je parle d’une des mamas syriennes bien en chair qui tient le hammam et qui est tranquillement en train de se faire poser sa coloration capillaire, coloration qui a d’ailleurs décidé de couler allègrement dans le cou/dos/nuque de la mama, créant ainsi un effet dripping polokien pour le moins inattendu et inesthétique.
Revenons à l’épilation au sucre, sans les vilaines bandes. Là je pense au film Caramel de Nadine Labaki et je me dis que ça fera des souvenirs. Et ben pour avoir des souvenirs, j’en ai des souvenirs! C’était pour le moins tonique et efficace dirons-nous ! Et vas-y que j’te mets dans cette position, c’est plus simple et vas-y que j’te retourne et vas-y que « tu peux te mettre debout ? » et vas-y que « tiens, mange, c’est très bon » -« euh oui, mais comment te dire, là il est 12h et j’ai pas très faim en fait » « mais c’est très bon, AKL (MANGE !) » bon, ok, je prends une bouchée à même la main (imitant docilement les mamas syriennes) BAM de la viande avec de l’aïl en mode kebbe nayyé. A midi. Sans préparation. En maillot. Pendant une épilation. La base quoi.
Pendant cet instant privilégié (et douloureux) je vois entrer une dame toute de noir vêtue. Elle entre dans le hammam avec ses trois enfants et se retrouve, en 5 minutes, dans la même situation que moi : almost nue comme un ver, à papoter avec des amies. Et hop, elles commandent un thé, et hop, elles s’allument une clope. Dans un hammam syrien, pour 100LS, on peut même commander un narguilé !
Pas de narguilé pour moi puisqu’une deuxième mama syrienne a décidé de me prendre en charge pour mon baptême hammamien.
Bizarrement je sens que je vais prendre cher vu sa morphologie. Je suis perspicace. Elle me traine dans la salle principale où toutes les autres papotent en s’arrosant le corps d’eau brûlante. Et BAM premier seau d’eau dans ma tête. Même pas le temps de réaliser qu’elle enchaine avec un deuxième, puis un troisième, puis un quatrième. C’est l’effet mousson libanaise sur mon visage mais je suis censée être consentante (j’ai même payé pour ça, donc j’assume). C’est là qu’intervient mon premier SHAMPOOING au savon d’Alep ; moi, en tailleur sur le sol. Les yeux fermés, j’ai envie de crier stooooop. Cela dit je réfléchis au savon qui enduit allègrement mes cheveux et mon visage et j’avoue que l’idée d’avaler la fierté d’Alep me fait me ressaisir. Au quatrième shampooing, je vois enfin la lumière au bout du tunnel : la mama syrienne me fait signe de la suivre. Dois-je préciser qu’à ce moment, j’ai toujours peur d’ouvrir les yeux ??
Direction la salle de sauna avec la vapeur chaude. Là, la mama m’abandonne. Là, je profite enfin du hammam, tranquillement et sereinement. Au bout d’une demi-heure, quand je sens que je vais entrer en éruption tellement le Vésuve, à côté de moi à ce moment, il m’arrive pas à la cheville, je décide de sortir discrètement, en espérant passer inaperçue.
C’est peine perdue, la mama syrienne m’attend à la sortie, toute contente de pouvoir enfin s’attaquer à la phase GOMMAGE.
Et vas-y que j’te mets du savon d’Alep à l’endroit où ensuite je vais énergiquement passer le gant de crin. Les jambes, ca va. Le dos ça va. Même les pieds ça va. Cela dit quand je vois la mama me mettre du savon d’Alep dans le cou, là je stresse. En mode « viens là ma mignonne ». Je m’imagine un instant être l’anguille qui tente de s’échapper des mains de Maïté. Peine perdue, la mama a de l’expérience. Et de la poigne aussi. Nom de diou, le massage promet. Ah ba tiens, puisqu’on en parle, ça tombe bien. 20 minutes de malaxage dynamique plus tard, la mama me laisse dans un piteux état.
État tel que je n’arrive pas à savoir si je suis reposée et détendue ou tout simplement massacrée.
Il n’en demeure pas moins qu’après m’être acquittée de la somme due, je ressors du hammam heureuse d’avoir vécu ça. Et de pouvoir mettre les autres en garde. Le hammam : oui ! mais il faut du courage ! Hammam-mamia !!!

3 commentaires:

  1. Un vrai scénario de film. Et pas de photos bien sûr ?

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  3. Hahaha, non en effet, pas de photos. C'est dommage parce que le hammam était vraiment beau et ancien.
    Mais je n'ai malheureusement pas eu le temps de dégainer la bête tellement j'ai été rapidement été prise en main (et c'est le cas de le dire!!)

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